En France, plus de 40 % des enfants de 6 à 10 ans utilisent un smartphone ou une tablette tous les jours, selon une étude menée en 2023 par l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique. Pourtant, l’Organisation mondiale de la santé recommande moins d’une heure d’écran quotidien pour cette tranche d’âge.
La réalité du terrain montre un écart persistant entre recommandations officielles et pratiques familiales. Face à ce constat, des familles engagent des démarches pour modifier en profondeur leurs habitudes numériques.
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Pourquoi l’addiction aux écrans touche de plus en plus d’enfants
Impossible d’ignorer la montée fulgurante de l’addiction aux écrans chez les enfants. Les foyers français, saturés de plateformes numériques et de smartphones, voient leur quotidien transformé en quelques années. Les jeux vidéo, TikTok, YouTube ou d’autres applications des GAFAM captent l’attention des plus jeunes, souvent dès l’entrée à l’école primaire. Ce n’est plus un simple passe-temps : l’usage excessif des écrans s’inscrit dans la routine, jusqu’à devenir la norme.
Pourquoi cette progression rapide ? Plusieurs facteurs se conjuguent. Les algorithmes des réseaux sociaux et des jeux vidéo sont conçus pour maintenir l’utilisateur en haleine, distribuant récompenses et notifications à flux continu. Malgré les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, le manque de régulation laisse la porte ouverte à une utilisation massive et précoce. De leur côté, les parents, eux-mêmes absorbés par leurs écrans, peinent à établir des règles uniformes.
Trois éléments expliquent particulièrement ce phénomène :
- Disponibilité permanente des contenus : tout est accessible, à tout moment et dans n’importe quel lieu.
- Pression sociale : la vie scolaire et amicale impose d’être présent sur les réseaux.
- Manque d’alternatives attractives : peu d’activités hors écrans sont réellement mises en avant auprès des enfants.
Résultat, la dépendance aux écrans s’installe dans de nombreux foyers, portée par une offre pléthorique et l’absence de garde-fous collectifs. Les signaux d’alerte s’accumulent : repli sur soi, désintérêt pour les loisirs traditionnels, tensions dans la famille. Ce glissement progressif, de l’enfant accro aux écrans à la véritable addiction, est désormais constaté par nombre de professionnels de santé.
Repérer les signes d’une utilisation problématique à la maison
L’utilisation problématique des écrans ne surgit pas d’un coup. Elle s’immisce doucement dans la vie de famille, jusqu’à tout envahir. Les premiers signaux ? Les troubles du sommeil sont souvent les plus visibles. L’enfant peine à s’endormir, les matins deviennent pénibles, la fatigue s’installe. Une irritabilité nouvelle, des silences prolongés, des disputes autour du temps passé devant les vidéos ou sur les réseaux sociaux viennent s’ajouter.
L’usage excessif se repère aussi à une perte d’intérêt pour d’autres activités : les jeux à l’extérieur, la lecture, les moments partagés avec la famille. L’enfant réclame son téléphone dès le réveil, s’agace à l’idée de s’en séparer. Les repas familiaux perdent en qualité, les échanges se raréfient. Pour certains adolescents, cela va jusqu’à une déscolarisation partielle ou un retrait social marqué.
Une vigilance s’impose dès l’apparition de troubles du comportement : opposition systématique, agressivité dès qu’un écran s’éteint. Parfois, des stratégies d’évitement se mettent en place : cacher un appareil, minimiser le temps passé en ligne, multiplier les comptes sur les médias sociaux.
Voici les signes les plus révélateurs à surveiller :
- Changement brutal de l’humeur après l’arrêt d’un écran
- Perte d’intérêt pour les activités non numériques
- Rupture du rythme veille-sommeil
- Isolement progressif du cercle familial
La dépendance aux écrans chez l’enfant s’installe par la répétition. Repérer ces évolutions de comportement et ces nouveaux rituels, c’est déjà agir pour éviter que l’usage ne devienne problématique.
Quelles solutions concrètes pour accompagner un sevrage en douceur ?
Réduire l’usage excessif des écrans chez l’enfant demande organisation et cohérence. On ne coupe pas brutalement : il faut structurer la démarche. L’approche progressive, recommandée par la MILDECA, commence par une cartographie des zones écrans à la maison. Retirer téléphones et tablettes des chambres pour les regrouper dans les espaces communs (salon, cuisine) rend l’usage plus visible et limite les excès en solitaire.
Le psychiatre Serge Tisseron conseille d’établir des repères temporels précis. Fixer, par exemple, des créneaux définis après les devoirs ou uniquement le week-end. Cette régularité permet à l’enfant d’anticiper la coupure, ce qui rend la séparation moins difficile.
Pour faciliter cette transition, plusieurs leviers peuvent être actionnés :
- Couper le wifi à partir d’une certaine heure du soir
- Supprimer tous les écrans pendant les repas
- Proposer des activités alternatives : jeux de société, lecture, sorties à l’extérieur
La dynamique de groupe joue un rôle déterminant. Les parents sont invités à remettre en question leurs propres pratiques numériques. Une désintoxication numérique efficace se construit collectivement, sans pointer du doigt l’enfant seul. Impliquer la fratrie, instaurer des moments partagés, même brefs, hors connexion, permet de rééquilibrer la place du numérique dans la vie de famille.
En cas de difficultés persistantes ou de tensions autour des écrans, il existe des relais utiles : la MILDECA, certains centres du CISSS/CIUSSS, ou encore des dispositifs locaux d’accompagnement parental. Prendre appui sur ces ressources aide à renouer le dialogue familial et à accompagner l’enfant vers plus d’autonomie dans ses usages.
Favoriser le dialogue et instaurer de nouvelles habitudes familiales
La famille reste l’espace clé pour réinventer la place des écrans. Pas besoin de discours solennels : privilégier les échanges authentiques suffit souvent. Prendre le temps d’écouter l’enfant, de questionner son ressenti face à l’arrêt du téléphone, permet de tisser un climat de confiance, propice à l’évolution des pratiques.
Pour modifier le quotidien, rien de mieux que d’instaurer de nouveaux rituels collectifs. Une soirée jeux de société, une séance de lecture partagée, ou l’écoute d’un podcast d’histoires pour remplacer les vidéos du soir : ces alternatives concrètes redonnent du sens au temps passé ensemble.
Le respect de l’image de l’enfant s’impose également : ne diffusez pas de photos ou de vidéos sans son accord, particulièrement avant la majorité numérique. La loi encadre désormais la surexposition des mineurs, rappelant la vigilance qui s’impose sur ce terrain mouvant.
Voici quelques pistes pour transformer les habitudes en famille :
- Fixer collectivement des règles d’utilisation : horaires précis, espaces sans écrans.
- Tester de nouvelles activités en famille loin des écrans : cuisiner ensemble, se promener, bricoler, créer.
- Mettre en valeur les découvertes hors écran : un livre à explorer, un jeu éducatif, un défi sportif à relever.
Rien ne remplace l’exemple parental. Quand les adultes troquent le défilement sans fin contre une promenade ou une vraie discussion, ils ouvrent la voie à une relation plus apaisée au numérique. Voilà comment, pas à pas, la famille peut retrouver la maîtrise de ses écrans et redessiner son quotidien.